This show is based on a folk tale.
Miséria (Misery) is a poor blacksmith who cheats Death and is therefore sentenced to live forever.
“And then Death spoke as she stood on the top of the walnut, and made an agreement with the old man: spare him his life as long as the world existed. The old man agreed and Death came down from the walnut. Therefore there will be Misery in the world as long as the Earth exists.”
(folk tale)
“What is amazing in this show is the game between what belongs to the marionettes and what belongs to the actor himself, a manipulator and an interpreter at the same time… The perfection of things, as Cesário Verde would say. There isn’t much to be said about a show like this one. A masterpiece in marionette theatre genre, a masterpiece of theatre.”
(Carlos Porto, Jornal de Letras)
João Paulo Seara Cardoso
scenography and marionettes
Rosa Ramos
text
Álvaro Magalhães
music
João Loio
dramaturgy
Álvaro Magalhães, João Paulo Seara Cardoso
lighting
João Lorga
scenographic execution
Atelier 305
costume making
Aurora Nazareth
wigs
Cardoso Cabeleireiro
special effects
José Cunha
sound studio
Fernando Rangel
photography
A. M. Fontes Rodrigues
graphics
Susana Camanho
Éléments de Marionnéthologie
Je ne parlerai en fait que d’un seul spectacle, tant il me parut dépasser les autres de la tête et des pieds : Miséria, du Teatro de Marionetas do Porto, joué par Joao-Paolo Cardoso.
Joao-Paolo Cardoso présente, outre celui de venir d’une des régions les plus glorieusement viticoles du vieux continent, un autre indéniable avantage, à savoir celui de comprendre à Ia per-fection ce qu’est le théâtre de marionnettes et de savoir le montrer. Durant la petite heure de sa représentation le train s’arrêta comme par enchantement dans un havre de paix, pendant que ma colonne vertébrale et mes glandes lacrymales vibraient à 1’unisson.
Trois petites marionnettes, un vieux forgeron. la mort et le diable, vivaient leur vie dans un décor à la fois minutieux et approximatif (donc à la fois précis dans ses indications et ouvert à la lecture personnelle du spectateur-individu), manipulées avec une grâce extrême (donc sans aucun étalage technique), sur un texte que mon ascendance transalpine et mes vagues notions d’espagnol suffirent à me faire percevoir comme des plus beaux. Même 1’approximation des éclairages (le point faible de la représentation) et la gaucherie de la régie technique ne purent à aucun moment contrer le petit miracle qui se déroulait sous mes yeux, assurément le plus beau spectacle de marionnettes qu’il m’était donné de voir depuis plusieurs années.
Si Joao-Paolo Cardoso semble avoir tout compris : son art, c’est qu’il en a tout d’abord perçu 1’essentiel, à savoir que le rôle des mains du manipulateur n’est que secondaire et accessoire par rapport à celui de ses yeux. Ces mains, dont nombre d’affiches s’embellissent pour caractériser clairement notre théâtre et le différencier de celui d’acteurs, ne sont en fait rien de plus que des outils, au même titre que la pioche du paysan, le pinceau du peintre ou le marteau du charpentier, alors que les yeux, ceux du manipulateur, mais aussi ceux des manipulés, sont toujours la source et le point de passage de cette énergie vitale en constante circulation, sans laquelle il n’y a point de théâtre digne de ce nom. Cette simple constatation semble être d’une telle évidence pour Joao-Paolo Cardoso, que quand il manipule et donne sa voix à la marionnette de la mort (une poupée fort sobre, aux longs cheveux bruns, habillée d’une tunique blanche) il ferme les siens, nous suggérant à la fois une absence de regard et un regard porté à 1’intérieur, pendant que, sans excès, il pousse sa voix dans une tonalité à peine plus haute que la naturelle, se gardant bien de tomber dans le piège du falsetto. Et le tout est joué avec une telle justesse que ces yeux fermés nous apparaissent porteurs d’un regard d’autant plus intense que nous ne pouvons pas en deviner la force sous les paupières baissées. A cet instant, une intense émotion s’empare de nous, car ce geste des plus simples nous frappe de plein fouet, à la fois comme un signe et un symbole, concret et allégorique, narratif et poétique, illustratif et quintessentiel.
Les yeux de Joao-Paolo Cardoso sont sphériques comme le monde, et leur propriétaire, loin de s’en servir uniquement pour se regarder dans une glace ou pour admirer la ronde concavité de son nombril, les utilise à chaque instant à 360°. et ceci le long de tous les méridiens. Les gestes de ses mains et de son corps se trouvent du coup inscrits dans un espace total et global, dans un sous-univers délimité par les parois de la salle de spectacle, à l’intérieur de laquelle le spectateur, le manipulateur et les manipulés cohabitent égalitairement, par-dessus leurs différences de dimension, de place et de rôle.
Je ne dis pas cela pour nier aux mains et aux doigts de Joao-Paolo Cardoso la reconnaissance de la maestria qu’ils possèdent, mais je veux souligner comme à tout instant celle-ci est subordonnée à un but plus digne que celui de son propre étalage, au point de donner 1’impression de 1’absence de toute technique préméditée, alors que cette même technique n’est ici que dépassée, pour 1’obtention d’une élégance du geste digne des plus grands maîtres de la tradition.
Je suis sorti abasourdi de cette représentation qui se situait « en dehors du temps », c’est-à-dire libre des oripeaux du temps immédiat et anecdotique, et qui avait su, pour un bref instant, me plonger dans un temps autrement réel, car immobile. Les mots m’ont manque pour aller complimenter, comme je 1’aurais voulu, 1’artisan de cet instant de bonheur, et encore aujourd’hui, plusieurs mois après, les seuls mots qui me viennent à l’esprit sont ceux que Robert Schumann employa dans une gazette de Leipzig pour clore l’article qu’il écrivit après avoir assisté pour la l première fois à un concert de Frédéric Chopin : «Chapeau bas, Messieurs. Voilà du génie. »
Dois-je conclure en constatant amèrement combien cette perle me parut rare dans un océan des plus troubles ? Devons-nous en déduire que cette exception (et peut-être quelques autres, qui nous auraient échappé) ne sont là qu’en confirmation de la morosité générale ? Cela serait sinistre, et facile. Mieux vaut voir dans Miséria sinon une tendance, du moins le noyau d’une tendance ; espérer que cette grâce ne sea pas perdue comme un instant de silence dans le brouhaha général, et que d’elle surgiront d’autres gestes de semblable intensité. Car ce ne sont que ceux-là qui justifient 1’existence d’un théâtre de marionnettes.
Massimo Shuster
in “Ave Marionnette”